Harmonie des Couleurs
Les bienfaits de l’Art thérapie
Merci de noter que les cas pratiques mentionnés dans cet article sont basés sur des histoires réelles. Cependant, les détails permettant de reconnaître l’identité des personnes concernées ont été modifiés.
Suite à sa première séance d’Art-thérapie, Léo, âgé de 16 ans, pleure calmement. Il semble que ce soit la première fois qu’il pleure depuis le départ de son père du domicile familial. Après sa deuxième séance d’art-thérapie, il commence à parler librement de son vécu d’enfance compliqué et douloureux avec un débit inhabituel. Alors qu’il s’était réfugié dans son château fort impénétrable, son entourage le croyait incapable de s’ouvrir et de partager. Au fil des séances suivantes, Léo s’autorise à exprimer sa colère, sa tristesse, sa trahison et sa perte en se mettant en forme et en couleur.
Suite à une séance d’Art-thérapie incluant la méditation et le mouvement corporel accompagnés par de la musique douce, Eithan, âgé de 12 ans et diagnostiqué comme ayant un trouble de l’hyperactivité, déclare se sentir “calme comme un bébé”. Il était en train de se battre avec un camarade cinq minutes avant la séance.
Sophie, âgée de 15 ans, constate qu’elle a pu établir un lien pour la première fois avec son petit frère, décédé subitement dans un accident de la route trois ans plus tôt. Elle me raconte qu’elle se sent en paix face à cette perte car elle peut entrer en contact avec son frère à n’importe quel moment grâce à la visualisation et au processus créatif.
Déborah, âgée de 33 ans, se sent dépassée par ses trois enfants en âge primaire, tous hyperactifs. Elle estime qu’elle n’est pas une bonne mère ni une bonne épouse, au point de se négliger elle-même. Lors de sa deuxième séance d’Art-thérapie, en pleine création, elle s’est vue comme une petite fille écroulée par terre, submergée par les demandes exigeantes et les insultes accablantes de ses parents. L’idée d’être constamment à la hauteur des attentes des autres lui avait été inculquée de manière brutale. Aujourd’hui, elle regrette sa manière dure de se traiter elle-même.
Emma, âgée de 43 ans, ressent qu’elle ne trouve pas sa place parmi ses collègues. Elle se sent incomplète et mal à l’aise, ce qui lui donne envie de quitter son poste, même si son travail est irréprochable. Lors de sa troisième séance en Art-thérapie, en pétrissant et façonnant l’argile pour en faire un réceptacle, elle ressent un espace intérieur s’éclairant en elle. Elle prend conscience du peu de place qu’elle s’accorde à elle-même. Emma réalise l’importance de trouver sa juste place en elle, en relation avec elle-même, ses émotions, ses sentiments et sa propre histoire personnelle.
Chacune de ces personnes a vécu un processus de prise de conscience au cours de leur expérience créative, ce qui a permis de rendre plus clairs des éléments qui, autrement, auraient été indescriptibles et non verbalisables pour elles.
Dans la plupart des cas, cette prise de conscience, que l’on peut décrire comme une forme de sérendipité, s’est manifestée sous la forme d’un éclair de compréhension, d’une illumination, ou d’une découverte instantanée inattendue provenant de l’inconscient après avoir rencontré une impasse. Étant donné que les émotions sont évoquées dans ce processus, une sensation corporelle accompagne cette prise de conscience, qui sera ensuite intégrée dans l’œuvre en cours.
Je m’appelle Channa, et je suis Art-thérapeute diplômée. L’Art-thérapie a été mon rêve depuis mon adolescence. Grâce à l’acte créatif, j’ai pu me retrouver dans ma bulle de sécurité pour me régénérer, loin des nuisances et du bruit qui envahissent ma vie d’adolescente. L’art apaise, transforme, sublime et permet de rêver. “L’art est une thérapie” et on peut faire sa “thérapie par l’art”.
La puissance de l’Art-thérapie repose sur le mouvement interne entraîné par l’acte créatif. L’Art-thérapie se concentre principalement sur l’expérience motrice et sensorielle du corps. Le corps conserve en mémoire des souvenirs remontant à avant l’âge préverbal, qui façonnent l’identité et la personnalité de la personne.
Ce qui m’attire dans la pratique de l’Art-thérapie aujourd’hui, c’est l’idée de dépasser les limites de la parole. Les neurosciences ont démontré que les mouvements et l’implication dans l’activité créative favorisent de multiples recrutement de vastes réseaux neuronaux créant des connexions entre les hémisphères droit et gauche du cerveau, permettant ainsi l’émergence d’idées nouvelles et inattendues, ce qui définit en essence la créativité.
En utilisant divers médiums artistiques tels que le modelage de l’argile, le découpage, la manipulation de différentes textures sensorielles et odeurs, la peinture, le dessin, le jeu de rôles, la danse et le mouvement expressif, l’Art-thérapie met en mouvement le corps pour s’exprimer d’une manière sensorimotrice. Les différents médias artistiques permettent de révéler des souvenirs, des idées, des pensées et des émotions qui étaient autrement enfouis ou refoulés, créant des associations entre l’œuvre créée et le vécu interne.
L’Art-thérapie repose essentiellement sur deux modes de fonctionnement différents.
Le premier est la “psychothérapie par l’art”, développée par Margaret Naumburg aux États-Unis dans les années 50. Elle restait fidèle à la théorie freudienne et à la psychanalyse. Son objectif était de démontrer que l’art constituait une alternative pour explorer sa voix en symbolisant et en libérant tout ce qui est emmagasiné dans l’inconscient. Sa théorie ne se concentrait pas principalement sur l’art en tant que tel, mais sur la relation établie entre le patient et sa production artistique pendant l’acte créatif. Elle cherchait à ce que le patient s’identifie aux symboles présents dans son œuvre, puis à ce qu’il donne une interprétation et un sens verbaux à cette symbolique, qui constitue en soi une manifestation de l’inconscient. La création artistique permettait ainsi une libération de la voix intérieure
Le deuxième mode de fonctionnement repose sur la notion de “L’art comme thérapie”, développée par Edith Kramer en Amérique du Nord également dans les années 50. Kramer met l’accent sur le potentiel thérapeutique pendant le processus créatif (Vick, 2003). Elle se fonde sur le principe que l’art a des vertus curatives en soi, en amenant la personne à travailler sur ses conflits internes inconscients et à développer un meilleur contrôle de ses pulsions. En réalité, elle estimait qu’en s’engageant dans un processus créatif ou artistique, la personne parvient à accéder à ses parties intérieures blessées, qui seraient autrement inaccessibles, afin de les sublimer et de les transformer.
Le soulagement et la guérison du mal-être sont obtenus par le biais de la sublimation de ses blessures émotionnelles, physiques ou psychiques, suivis de la découverte de ses capacités et à valoriser ses forces et ses qualités. “L’art comme thérapie” est particulièrement intéressant pour les adolescents qui souffrent de dysrégulation émotionnelle et qui ont du mal à établir des liens entre leurs pensées et leur état émotionnel. Souvent, les adolescents perçoivent les adultes comme une menace pour leur indépendance et leur identité, c’est pourquoi ils s’appuient sur l’art même pour progresser dans la thérapie et trouver leurs propres solutions.
Dans les deux modes de fonctionnement de l’Art-thérapie, le processus créatif permet l’expression de ce qui semblait inaccessible, impénétrable et non verbalisable. Cela est dû au fait que les mécanismes de défense mis en place par l’inconscient pour se protéger contre la douleur et les expériences négatives s’affaiblissent pendant l’acte créatif, permettant ainsi l’expression de l’inconscient.
Dans ma pratique en séance et en atelier, je me concentre sur l’expérience corporelle lors de l’acte créatif. Les sensations émises par le corps ne peuvent pas mentir. Ce sont les indicateurs primaires qui relient la personne à son histoire. J’accompagne la personne en douceur pour l’aider à percevoir ces signaux et à les extérioriser sous forme de formes et de couleurs. Je les encourage à leur donner un sens et une autre voie d’expression pour mieux comprendre, et si nécessaire, pour dialoguer avec eux, puis les accepter.
La société d’aujourd’hui nous pousse souvent à fuir nos sentiments et nos signaux de mal-être, nous incitant simplement à être forts et à avancer. En réalité, c’est en acceptant et en accueillant nos douleurs, nos maux, et en reconnaissant l’existence d’un mal-être que nous pouvons entamer un processus de changement, de sublimation et de transformation de soi.
En Art-thérapie, la musique, le mouvement corporel, à la fois interne et externe, accompagnés par l’acte créatif sensoriel et visuel, permettent à la personne d’être authentique envers elle-même, dans un environnement bienveillant, afin de pouvoir aligner son corps, son cœur et son esprit.
C’est cet état d’authenticité qui permet à la personne d’examiner ses schémas de pensée qui ne fonctionnent plus, ses croyances limitantes, et d’accroître son amour-propre, son estime de soi et sa confiance en elle. Être en harmonie avec soi-même signifie accepter toutes les facettes de sa personnalité, avec toutes les couleurs de son être, et trouver un équilibre entre son monde intérieur et extérieur.
L’Art-thérapie peut être pratiquée en séances individuelles ou en atelier et s’avère efficace pour les enfants, les adolescents et les adultes. J’anime des ateliers sur une variété de thèmes, la plupart axés sur le renforcement, la découverte et la prise de conscience de soi, aidant ainsi les participants à mieux se connaître pour mieux s’insérer dans leur environnement.
L’Art-thérapie, que ce soit en séance individuelle ou en groupe, contribue au développement de compétences pour s’adapter à de nouvelles situations, surmonter des épreuves difficiles, et renforcer l’estime de soi et la confiance en soi. C’est également un puissant outil pour améliorer les compétences sociales, surmonter des blocages émotionnels, transformer le négatif en positif, se libérer de l’anxiété, et améliorer la perception des gestes quotidiens.